PotenChêne – Potentiel de régénération des chênaies dans le contexte du changement climatique : quel avenir pour le masting et les consommateurs de glands ?

PotenChêne – Potentiel de régénération des chênaies dans le contexte du changement climatique : quel avenir pour le masting et les consommateurs de glands ?

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Coordinateur : Samuel Venner (CNRS Lyon).

Partenaires :
LEBBE (CNRS, Univ. Lyon),
ONF,
BIOGECO (INRA, Univ. Bordeaux),
Univ. Rome,
ONCFS.

Voir colloque final 2018  Voir séminaire intermédiaire 2014  Voir séminaire interne 2014

Les stratégies de régénération des forêts, en particulier des chênaies, représentent un enjeu majeur à la fois économique et écologique qui impose de se projeter sur le long terme, i.e., plusieurs siècles, en raison du cycle de vie extrêmement long des arbres. Dans ce contexte, le changement climatique suscite des inquiétudes quant à la capacité qu’auront les populations d’arbres d’intérêt majeur à s’adapter, en quelques générations, aux bouleversements climatiques annoncés. Plusieurs projets de recherche menés au cours de la dernière décennie ont tenté d’évaluer la diversité des réponses du chêne dans des conditions climatiques contrastées. Si la plupart de ces travaux concerne la phénologie foliaire, étonnamment, actuellement aucune étude équivalente n’est menée sur les stratégies de reproduction du chêne, alors qu’il s’agit là d’un élément central dans le processus de régénération des chênaies. Le projet présenté vise à apporter un éclairage nouveau sur les capacités des chênaies à faire face au changement climatique en se focalisant sur le devenir du masting du chêne (stratégie de reproduction caractérisée par des fructifications massives, intermittentes et synchronisées à l’échelle d.une population d’arbres) et sur le devenir des consommateurs de glands qui sont susceptibles de fortement impacter la démographie des chênes. Nous nous focaliserons en particulier sur des consommateurs qui donnent prise à l’action publique (3 espèces d’ongulés, 4 espèces d’insectes). Ce projet s’articule selon 4 axes.

Dans l’axe 1, nous développerons un ensemble d’approches complémentaires, qui visent à mieux comprendre les mécanismes proximaux qui sous-tendent le masting du chêne en intégrant les processus endogènes à l’arbre (lien entre son effort de floraison, de fructification et de croissance végétative courants en fonction de ses productions fruitières passées) et les conditions environnementales (disponibilité en pollen, conditions climatiques). Il s’agit là d’un pré-requis pour alimenter nos modèles prévisionnistes (Axe 3). Nos approches reposeront sur la quantification de paramètres directement liés à la reproduction des chênes sur un large réseau de sites d’observation (voir ci-après). Nous nous attendons en particulier à un impact marqué des conditions climatiques sur le succès de pollinisation, le succès de fécondation des fleurs et le processus de maturation des jeunes fruits.

Dans l’axe 2, dans la perspective d’établir des scenarii solides du devenir des chênaies, nous explorerons rigoureusement la dynamique « glandée – consommateurs de glands- régénération ». Le changement climatique pourrait en effet fortement impacter les patrons de fructification et indirectement la démographie des consommateurs de fruits, qui en retour influenceraient le recrutement et le potentiel de régénération des populations d’arbres. Dans ce projet, nous nous focaliserons sur trois espèces d’ongulés d’intérêt cynégétique (sanglier, cerf, chevreuil) et sur une communauté d’insectes parasites des glands. Nous analyserons (i) l’impact du masting sur la démographie de ces espèces et (ii) celui des consommateurs sur le potentiel de régénération des chênaies. Chez les ongulés, nous prédisons que les réponses démographiques des populations seront extrêmement fortes chez le sanglier, peu marquées ou absentes chez le chevreuil et intermédiaires chez le cerf. Nos investigations seront fondées sur les suivis intensifs à long terme de populations d’ongulés menés dans 4 sites en France et 1 site en Italie. On s’attend par ailleurs à ce que la structure et la dynamique des communautés d’insectes (ainsi que le taux d’infestation des fruits et le pouvoir germinatif des glands) soient très sensibles (i) à l’amplitude des fluctuations interannuelles des fructifications et à leur composante stochastique, (ii) au degré de synchronisation de ces fructifications entre les arbres et (iii) à la taille des fruits. Des données précises seront obtenues annuellement pendant 6 ans consécutifs sur notre réseau de 15 sites d’étude en plaine offrant des situations environnementales naturellement contrastées.

Dans l’axe 3, nous élaborerons des modèles hybrides de « masting » (mécanistique et statistique basés sur des méthodes de Monte-Carlo par chaînes de Markov) qui prendront en compte ‘.impact des conditions climatiques sur le masting (mis en évidence dans l’Axe 1) et qui devraient permettre de générer des patrons de fructification fidèles aux observations empiriques. Sur la base de ces modèles et des projections des modèles climatiques issues des travaux du GIEC (IPCC 2013), nous proposerons différents scenarii sur le devenir du masting. Nous pourrons alors évaluer l’impact du changement climatique, via les modifications induites sur le masting, sur la démographie des ongulés (modèles matriciels stochastiques de Leslie-Lewis), sur la dynamique des communautés d’insectes et sur le potentiel de régénération des chênaies (modèles « individu-centré » de la dynamique de communautés d’insectes à l’échelle d.une population d’arbres structurée spatialement). Dans l’axe 4, nous fournirons de nouvelles connaissances et outils qui pourraient contribuer à optimiser la procédure de régénération des chênaies et le contrôle des populations d’ongulés. En fonction des résultats des premiers axes, nous proposerons que les critères sur lesquels se fonde la méthode de régénération des chênaies puissent être élargis à la taille des fruits, un critère simple à évaluer et susceptible d’avoir un double effet positif sur le succès de régénération : (i) le pouvoir germinatif d’un gros fruit, même infesté, serait augmenté et (ii) l’augmentation de la taille des fruits est susceptible d’amplifier l’épuisement des ressources énergétiques de l’arbre consécutif à une reproduction, et ainsi d’accroître encore les fluctuations interannuelles de glandée et la synchronisation des productions entre arbres, renforçant alors le masting et le contrôle des populations de ravageurs.

Nous évaluerons également de nouveaux critères d’ajustement des plans de chasse basés sur une prédiction fiable du niveau de la glandée à venir. Dans ce cadre, une première étape du programme sera d’évaluer l’impact des glandées sur les dégâts agricoles et forestiers occasionnés par les ongulés. La seconde étape consistera à élaborer une méthode robuste mais légère d’estimation de la glandée à l’échelle d’une localité ou d’une unité de gestion. Cet outil sera mis en place sur notre réseau de surveillance des glandées (150 chênes répartis sur 15 sites) avant d’être exporté à l’ensemble des territoires de chasse ; ce critère pourra ainsi être pris en compte pour ajuster les plans de chasse à l’échelle des départements.

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