Les projets 2000-2004

Conseil Scientifique 2000

Le comité scientifique de l’appel à propositions de recherche 2000 rassemble les scientifiques suivants :

Président : Claude Millier (ENGREF)

  • Jacques Blondel (CNRS-CEFE)
  • Henri Décamps (CNRS-CESAC)
  • Alain Franc (INRA)
  • Hervé Jactel (INRA)
  • Michel Loreau (ENS)
  • Roselyne Lumaret (CNRS-CEFE)
  • Patrice Mengin-Lecreulx (ONF R&D)
  • Serge Muller (UNIV. Metz)
  • Daniel Terrasson (CEMAGREF)
  • Jacques Roy (CNRS CEFE)

Texte de l’appel à propositions de recherche 2000

 [Télécharger la version complète de l’Appel 2000]

Liste des projets

Diversité fonctionnelle des communautés d’ectomycorhizes et résilience des hêtraies de plaine face aux contraintes environnementales : effet du traitement sylvicole

Une synthèse des acquis de ce projet est disponible dans l’ouvrage recueil des résultats des projets  financés par les deux premiers appels à propositions de recherche (1997 et 2000).

Coordinateur : Jean Garbaye (INRA).

Partenaires :
Office National des Forêts,
Direction Régionale de Lorraine.

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Il s’agissait d’étudier le rôle de la diversité du cortège ectomycorhizien sur l’efficacité des racines fines absorbantes du hêtre au cours des saisons. Le projet visait également à déterminer à quel point le régime sylvicole pouvait influencer cet aspect de la biodiversité microbienne, et donc indirectement la résilience des peuplements.
L’approche retenue est fondée sur la mise en œuvre combinée de deux concepts émergeants de l’étude de l’écologie des populations d’ectomycorhizes en milieu forestier : la complémentarité fonctionnelle et la diversité temporelle. Nous avons étudié, en comparant deux niveaux d’éclaircie très contrastés et en tenant compte des fluctuations environnementales à court terme (température et potentiel hydrique du sol), le rôle de la diversité spatiale et temporelle du cortège ectomycorhizien sur la survie des racines fines absorbantes superficielles du hêtre au cours des saisons et en fonction de l’état hydrique du sol.
La capacité des racines à reprendre rapidement l’absorption de la solution du sol lors du retour des pluies est en effet critique pour la nutrition minérale des arbres. Un test colorimétrique, basé sur la détection de l’activité respiratoire potentielle de mycorhizes isolées, a permis de quantifier la viabilité des populations de chaque morphotype dominant. Cette variable a été mise en relation avec la température et le potentiel hydrique mesurés in situ. La mise en œuvre simultanée de ces approches combinant deux échelles spatiales (l’apex racinaire et le peuplement) et deux approches de la diversité des racines fines (fonction et espèce du champignon associé) a fourni des connaissances originales sur la fonction d’absorption des arbres, ainsi que de nouveaux outils de décision pour une gestion forestière durable.

Effet des substitutions d’essences sur le fonctionnement organo-minéral de l’écosystème forestier et sur la diversité des communautés fongiques, mycorhiziennes et saprophytes

[Télécharger le rapport final]  

Coordinateur : Jacques Ranger (INRA).

Partenaires :
Groupe mycologique vosgien,
CNRS,
Université de Louvain-la-Neuve.

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La substitution d’essence est une pratique sylvicole courante qui vise à améliorer la production de bois. Les modifications de l’écosystème sont importantes et l’enjeu est d’identifier les contraintes écologiques et environnementales associées à cette pratique sylvicole. Les recherches en écologie quantitative peuvent apporter la base de connaissance indispensable à la gestion durable multi-fonctionnelle des écosystèmes forestiers.
Le projet répondait à l’appel à propositions de recherche « Biodiversité et gestion forestière » pour le cas particulier d’écosystèmes forestiers simplifiés, représentés par des plantations monospécifiques équiennes, qui sont comparés à un écosystème natif, correspondant à la forêt feuillue du Morvan, exploitée pendant des décennies pour le bois de chauffage et le bois d’oeuvre et dont la vocation actuelle est plus écologique et environnementale que productive. Ce projet est une des composantes du projet général « Effet des substitutions d’essence sur le fonctionnement de l’écosystème forestier » et se focalise sur le compartiment SOL, étudié pour ses composantes inertes (solides et solutions) et vivantes (végétation, microflore globale et flore fongique).
Les objectifs du projet étaient les suivants :
améliorer la connaissance de la structuration de quelques populations dans le cas particulier d’un changement d’essence forestière et/ou de l’amélioration a priori de la fertilité du sol,
identifier les fonctions de quelques groupes biologiques,
identifier les relations réciproques entre biodiversité et fonctionnement biogéochimique,
apporter des informations sur la gestion durable de tels écosystèmes, visant à la conservation des différentes fonctions des sols, dans le cadre d’une amélioration de la production.
Résultats L’ensemble des observations montrent un effet de la substitution d’essence et/ou de la fertilisation.

  *Climat

Les premières observations portent sur deux années et devront se poursuivre pour confirmer les tendances déjà observées :
la température de l’air est plus fraîche sous couvert feuillu ;
la température du sol est plus fraîche sous couvert résineux (fortes variations) ;
l’humidité du sol est plus forte sous couvert feuillu (fortes variations).

  *Flore

La discrimination des essences est faible à ce stade de développement car les peuplements de résineux sont encore très denses et la faible transmission de lumière au sol ne permet pas à la végétation de se développer. Sous feuillus, on observe quand même une nette différence entre peuplements de chêne et de hêtre de même structure, avec une flore plus diversifiée sous le chêne.

  *Sols solides

Les indicateurs qualitatifs et quantitatifs de l’état actuel des sols comme les relations entre les éléments, nature des éléments libres, stock d’éléments échangeables sont affectés, à des degrés divers, par la substitution et montrent un effet significatif de la substitution d’essence. Les évolutions induites par les plantations feuillues et résineuses sont nettement différentes, avec aux extrêmes les plantations de chêne et d’épicéa.

  *Biodégradation des matières organiques

La minéralisation de l’azote discrimine fortement les peuplements : de limitée sous la forêt native, elle est systématiquement augmentée sous les plantations. De même, le taux de nitrification, net ou brut, très faible sous la forêt native est toujours plus élevé sous plantation.

  *Solutions du sol

Les solutions sont des indicateurs efficaces du fonctionnement actuel du sol. Les deux types de solution étudiés (peu ou fortement fixée) montrent un effet du changement d’essence à la fois sur les éléments totaux et sur la spéciation chimique.

  *Flore fongique

Une perte considérable de biodiversité est observée dans les plantations, qu’elles soient feuillues ou résineuses. Cette perte de biodiversité résulte de la monospécificité de l’essence hôte mais elle est due aussi à l’uniformité du peuplement et à la perte de l’hétérogénéité spatiale avec en particulier une uniformisation des microclimats. Le taillis sous futaie plurispécifique originel est très riche en espèces fongiques tant ectomycorhiziennes que saprophytes. Les plantations de chêne, de hêtre, de douglas et de pin laricio sont très pauvres. A l’opposé, le sapin de Nordmann est relativement riche en espèces. L’épicéa occupe une position intermédiaire. Aucun effet de la fertilisation initiale n’a été observé. Le type d’essence feuillu ou résineux discrimine les espèces ectomycorhiziennes et folicoles.

  *Microflore tellurique totale

Le type d’essence forestière influence de façon peu significative la densité des communautés microbiennes. Par contre, des modifications importantes apparaissent dans la structure populationnelle et la diversité des communautés de bactéries et de champignons. Ces différences peuvent mener à la sélection de populations particulières dont la signature métabolique sera fonction du type de substrat. Le chêne et le douglas semblent stimuler des populations microbiennes similaires, ce qui suggère qu’ils induiraient au niveau du sol des conditions physico-chimiques et trophiques semblables pour les microorganismes. Par ailleurs, l’influence des essences forestières sur les communautés de champignons ne dépasse pas les dix premiers centimètres, alors que pour les communautés bactériennes cette influence persiste jusqu’à vingt centimètres.

  *Structuration bactérienne dans la rhizosphère

Les résultats obtenus dans le cadre d’un projet complémentaire mené sur le site de Breuil dans le cadre d’une action concertée incitative (M.P. Turpault coord.) montrent que les populations bactériennes sont fortement structurées par la racine, tant pour les espèces que pour les fonctions.

Discussion

Les différents indicateurs montrent des effets significatifs des substitutions d’essences sur le sol une trentaine d’années après leur réalisation. La substitution d’essence se traduit par des modifications notables des indicateurs du fonctionnement actuel du sol, malgré son degré d’évolution, qui se traduit entre autres par une forte acidité. Il va de soi qu’il ne peut s’agir d’une transformation brutale, mais d’une évolution graduelle montrant des divergences significatives entre essences. Les observations sur la phase solide cumulant héritage du passé et évolution actuelle apportent des informations très intéressantes. Les indicateurs physico-chimiques et chimiques conduisent individuellement à des discriminations significatives de l’effet des essences sur le sol. L’analyse multivariable synthétise les observations actuelles. Il faudra approfondir la spéciation chimique des éléments comme l’aluminium et le fer, car certaines méthodes sont mal adaptées au cas à traiter. Les données indiquent que les essences contrôlent la dynamique de la matière organique via les cycles du carbone et de l’azote, par les flux de restitution et la biodégradation. Les travaux en cours sur les restitutions de litière, la biodégradation des humus et la structuration des populations à l’origine de minéralisation de l’azote, expliquent pour partie le comportement des essences. L’intensité de la nitrification dans un contexte très acide et son caractère excédentaire par rapport à la consommation des organismes, s’avèrent être des critères importants de discrimination de l’effet des essences. En effet, la plus ou moins forte nitrification contraint la biodisponibilité de l’azote, l’acidification du milieu quand elle excède le prélèvement, et le transfert vers les eaux de surface en raison de l’acidité du milieu et de la mobilité du nitrate. De fait tous les cycles biogéochimiques se trouvent modifiés par la substitution d’essence, soit qualitativement par des mécanismes spécifiques, soit quantitativement par l’intensité de flux liés à la production des peuplements et au flux d’eau.

Flux et introgressions génétiques entre espèces forestières : le cas du chêne liège avec les autres espèces de chênes méditerranéens dans les peuplements français

Une synthèse des acquis de ce projet est disponible dans l’ouvrage recueil des résultats des projets  financés par les deux premiers appels à propositions de recherche (1997 et 2000).

Coordinateur : Roselyne Lumaret (CNRS).

Partenaires :
ONF (STIR PACA et Languedoc-Roussillon),
Institut Méditerranéen du Liège,
IRD.

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Les objectifs du projet étaient les suivants :

– établir, à l’aide de marqueurs génétiques diagnostiques nucléaires et cytoplasmiques (modalités différentes pour les deux espèces lorsque celles-ci se trouvent en populations pures), dans les quatre régions comportant des subéraies (Catalogne, Landes, Provence et Corse), un bilan précis de l’importance géographique de l’introgression génétique entre le chêne-liège et le chêne vert et déterminer la direction privilégiée de ces introgressions ;
– rechercher si certains individus de chêne liège introgressés présentent des caractéristiques écophysiologiques intéressantes en vue de leur utilisation en repeuplements ;
– proposer des stratégies de gestion forestière en fonction des situations locales et des objectifs de restauration ou d’extension des forêts.

Résultats

Les résultats de l’étude génétique montrent clairement que l’importance des échanges génétiques entre les deux espèces de chênes est très variable selon les régions et que l’on peut distinguer trois situations :
dans le Sud-Ouest et en Provence continentale où les contacts directs entre les deux espèces sont très réduits géographiquement, aucune trace d’introgression nucléaire ou cytoplasmique, dans quelque sens que ce soit, et aucun individu morphologiquement intermédiaire (d’origine hybride très récente) n’a été mis en évidence. Si ces échanges génétiques existent, ils ne peuvent qu’être très réduits ;

en Corse et en Provence insulaire (îles d’Hyères et presqu’île de Gien) où les contacts entre espèces sont plus fréquents et où le chêne vert est prédominant, une introgression interspécifique cytoplasmique et nucléaire est observée dans les deux sens. L’introgression cytoplasmique est un peu plus importante dans le sens « génome du chêne vert dans le chêne liège ». L’introgression nucléaire est équivalente dans les deux sens. Quelques individus morphologiquement intermédiaires (d’origine hybride récente) ont été également identifiés. Cependant, dans ces deux régions, l’introgression reste toujours très limitée (inf. 10% des individus et le plus souvent 1 à 2%) et pourrait être expliquée par une extension relativement récente (au cours des derniers siècles) du chêne liège dans des régions à prédominance naturelle du chêne vert ;

en Catalogne française, dominée par le chêne vert mais où les contacts interspécifiques sont fréquents et étroits (mélanges d’essences dans de nombreuses stations), tous les chênes verts mais aussi tous les chênes lièges des 34 sites analysés, sans exception, possèdent une molécule d’ADN chloroplastique caractéristique du chêne vert. Cette introgression cytoplasmique totale, également observée en Catalogne espagnole, est certainement très ancienne. En outre, dans cette même région, on observe dans de nombreuses populations mixtes, une assez forte introgression nucléaire dans les deux sens (20-30% des individus ont des allèles de l’autre espèce) et une proportion non négligeable d’individus d’origine hybride récente.

Les résultats des analyses écophysiologiques, publiés en partie (Staudt et coll. 2004), peuvent être résumés comme suit :

quelle que soit l’origine régionale des individus, les deux espèces se distinguent bien par la température critique (plus élevée chez le chêne vert) au delà de laquelle le photosystème II est fortement inhibé, les potentiels (plus élevé chez le chêne liège), les profils d’émissions de monoterpènes et la masse surfacique des feuilles ;

les différences physiologiques entre espèces sont globalement plus faibles en Catalogne qu’en Provence. Pour les deux régions, si la presque totalité des 20 individus issus d’hybridation interspécifique (d’après les marqueurs génétiques diagnostiques) ont des caractéristiques physiologiques de l’espèce identifiée morphologiquement, l’un, au moins, provenant de Catalogne, présente un profil d’émission identifié uniquement dans l’autre station et espèce. Des analyses portant sur d’avantage d’individus et de sites de Catalogne sont nécessaires pour confirmer ce résultat prometteur.

Gestion forestière : implications dans le fonctionnement et la biodiversité des écosystèmes lotiques associés

[Télécharger le rapport final] 

Coordinateur : Eric Chauvet (CESAC).

Partenaire :
ONF (STIR Sud-Ouest).

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Les recherches conduites dans ce projet visaient à comprendre comment la diversité forestière contrôle la biodiversité et le fonctionnement écologique des cours d’eau. Le couvert végétal produit en effet des litières qui constituent la source essentielle d’énergie pour le réseau trophique des cours d’eau forestiers ; leur décomposition implique une grande variété d’organismes décomposeurs. Ainsi, les hypothèses suivantes ont été testées en milieu naturel :
la diversité des forêts contrôle la diversité spécifique, infra-spécifique et/ou fonctionnelle des microorganismes et des invertébrés aquatiques participant à la décomposition des litières ;
la diversité des forêts contrôle le processus de décomposition des litières et, par conséquent, le fonctionnement de l’écosystème rivière.

Deux types de conclusions peuvent être tirées de cette étude.

 Au plan fondamental, il apparaît que la diversité du couvert forestier contrôle la diversité des champignons aquatiques mais pas celle des macroinvertébrés benthiques, ces derniers étant davantage dépendants de la vitesse du courant et de la qualité du substrat que de la variété de la nourriture disponible. Par contre les invertébrés broyeurs seraient affectés puisqu’ils consomment préférentiellement des litières colonisées par une plus grande diversité de champignons. La colonisation et la décomposition des litières sont donc directement et indirectement contrôlées par la diversité forestière. Il en résulte une variation des taux d’incorporation de la matière détritique d’origine terrestre dans le réseau trophique aquatique. Les tendances observées doivent être confirmées par des études à plus grande échelle, en portant une attention particulière au choix des sites pour limiter la variabilité des résultats liée aux paramètres géomorphologiques. Il reste à distinguer les processus généralisables d’emboîtement de la biodiversité de ceux qui relèvent de l’identité des espèces en jeu (essence forestière et/ou organisme décomposeur). Une extension de ces recherches est actuellement conduite dans d’autres régions européennes sous couvert majoritaire de hêtre, épicéa ou eucalyptus.

 Au plan appliqué, l’approche fonctionnelle retenue dans cette étude pour évaluer la qualité de l’écosystème rivière s’avère prometteuse. Elle intègre le taux de perte de masse des litières, mais aussi la diversité et l’activité des organismes décomposeurs associés. Dans certains cas (cours d’eau forestiers), elle pourrait se révéler plus sensible que l’approche utilisée en routine par les agences de l’eau, tel l’Indice Biologique Global Normalisé basé sur la structure des peuplements de macroinvertébrés. Une comparaison des indicateurs fonctionnels et structuraux est actuellement à l’étude en France et en Europe. Par ailleurs, les résultats obtenus comme ceux d’une étude précédente (Laitung et al., 2002) suggèrent que la conservation d’un couvert forestier diversifié ou, pour le moins, d’une bande forestière incluant une variété d’espèces indigènes contribue à la conservation de la biodiversité aquatique et de l’intégrité fonctionnelle de l’écosystème rivière. Il est difficile à ce stade de chiffrer le gain de telles mesures conservatoires. Toutefois, on doit s’attendre à ce que la généralisation de la monoculture forestière dans de nombreuses régions du monde se traduise par une diminution substantielle de la biodiversité aquatique.

Importance spatiale et mécanismes de maintien des variations de biodiversité forestière résultant des pratiques agricoles passées

[Télécharger le rapport final] 

Coordinateur : Jean-Luc Dupouey (INRA).

Partenaires :
DRAC Lorraine,
DRAC Auvergne,
ONF (Nancy).

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Objectifs des recherches

La première tranche du projet “Incidence des pratiques agricoles passées sur la biodiversité spécifique en milieu forestier dans l’est de la France” a permis de montrer que l’usage ancien des sols forestiers à des fins agricoles engendrait des variations des propriétés des sols et de la composition de la végétation herbacée, qui pouvaient perdurer pendant de très longues périodes, voire être irréversibles à l’échelle historique. La seconde tranche visait à :

(1) Produire des synthèses cartographiques à différentes échelles d’espace sur l’occupation ancienne des territoires actuellement forestiers et sur les variations de biodiversité qui lui sont associées :
cartographie exhaustive des anciens usages et étude de leur relation avec la biodiversité forestière à l’échelle de grands massifs forestiers dans des conditions climatiques et surtout édaphiques contrastées (plateaux calcaires de Lorraine, massif de Tronçais);
synthèse à l’échelle française des travaux anciens et des prospections en cours sur les occupations humaines en forêt, en particulier gallo-romaines : quelle est l’importance réelle de ces occupations anciennes dans le paysage forestier français actuel ?

(2) Progresser dans la compréhension des mécanismes de maintien des différences de biodiversité floristique issues d’un usage agricole d’époque gallo-romaine. Deux grands mécanismes ont été étudiés : l’influence à très long terme de l’agriculture antique via les modifications du sol et via les changements de flore et de microflore sur la disponibilité de l’azote dans les sols. La technique de dilution isotopique a été appliquée pour mesurer la minéralisation et l’immobilisation brute d’azote. Des expériences de traçage isotopique du prélèvement minéral ont été effectuées en utilisant des litières marquées en forêt. Enfin des mesures de minéralisation et de diversité métabolique et fonctionnelle de la microflore des sols rhizosphériques ont été parallèlement effectuées sous des espèces ligneuses et herbacées couvrant une large gamme d’exigences écologiques (acidiphiles à neutro-nitrophiles) pour évaluer comment la plante, une fois installée, oriente éventuellement les processus édaphiques à son profit.
le mode de dispersion des espèces herbacées forestières indicatrices du type d’utilisation ancienne du sol. Nous avons décidé d’aborder ce problème par l’étude de la structure génétique d’une espèce indicatrice des emplacements gallo-romains, la petite pervenche (Vinca minor L.). Cette espèce forme de larges taches, plus ou moins morcelées, autour des sites gallo-romains. Notre objectif initial était, par une double action de cartographie génétique des clones et par une estimation de la vitesse de croissance moyenne de l’espèce, d’estimer l’âge possible de chaque tache.

Résultats

Nous confirmons l’ampleur des défrichements antiques dans les forêts françaises. Le massif de Haye (Meurthe-et-Moselle) par exemple est couvert à plus de 60% par un dense parcellaire associé à des activités agraires gallo-romaines. Le massif de Tronçais (Allier) renferme une centaine de bâtiments de la même époque, régulièrement répartis. La synthèse nationale, encore très partielle, est déjà riche de près de 10 000 signalements d’activités humaines anciennes dans les forêts françaises, dont 28% de l’époque gallo-romaine et autant de l’époque médiévale.
Concernant les variations des caractéristiques des sols et de la végétation en fonction de ces usages anciens, deux résultats généraux émergent :
l’intensité avec laquelle le signal agricole ancien se conserve n’est pas directement liée à l’ancienneté de l’abandon. Des occupations gallo-romaines peuvent avoir laissé une trace aussi forte que des occupations modernes.
moins surprenant, ce signal est d’autant plus fort qu’on se trouve en milieu plus acide. La composition en espèces des communautés végétales et le 15N des sols sont parmi les indicateurs les plus fiables de ces usages anciens.

Nous proposons les mécanismes suivants pour expliquer le maintien de la mémoire des forêts :
les perturbations d’origine humaine ont créé des microhabitats très spécifiques qu’affectionnent certaines espèces végétales ou animales, par exemple des tas ou murs de pierre ou des dépressions humides (mardelles). L’épierrement à but agricole modifie sensiblement les propriétés physiques des sols ;
le cycle des éléments minéraux est extrêmement conservateur en forêt. Les mesures de flux annuels d’éléments nutritifs dans les différents compartiments de l’écosystème montrent que le flux annuel de phosphore recyclé est considérable par rapport au flux entrant ou quittant le sol. Les pH plus élevés s’expliquent là encore par la fermeture du cycle du calcium et la faible vitesse de dissolution des carbonates grossiers. En ce qui concerne l’azote, les flux entrants ne sont pas négligeables par rapport au cycle annuel. La conservation d’une meilleure disponibilité de l’azote dans les sols anciennement fumés pourrait résulter des apports associés, comme l’apport de chaux en milieu acide, ou de phosphore en milieu calcaire. Elle pourrait aussi résulter d’une interaction biotique ; les plantes typiques des milieux forestiers sont de mauvaises colonisatrices. Certaines plantes des forêts nouvelles ont pu être directement amenées par les agriculteurs romains. L’analyse de la structure génétique de la petite pervenche a montré, de façon surprenante, un clone unique sur deux sites gallo-romains distants de plusieurs kilomètres ;
les plantes de forêts anciennes sont souvent des plantes pérennes à réserves souterraines importantes : bulbes (Allium ursinum), rhizomes (Convallaria maialis, Anemone nemorosa…). Des expériences de marquage isotopique montrent qu’elles sont de mauvaises compétitrices pour les éléments minéraux. Inversement les espèces de forêts nouvelles, rudérales, sont de fortes compétitrices. Des mesures d’activité enzymatique bactérienne couplées à des mesures isotopiques réalisées dans la rhizosphère des plantes montrent des différences marquées en fonction des plantes mais aussi, pour une même plante, de l’histoire des anciens usages. On suggère donc que les plantes de forêts nouvelles influencent directement les cycles des éléments minéraux, et en particulier de l’azote, vers une meilleure disponibilité. En quelque sorte, elles assureraient elles-mêmes, en modifiant les conditions du milieu, leur maintien.

Les principales perspectives envisagées concernent la poursuite des travaux sur les structures génétiques des populations d’espèces liées aux usages anciens, l’étude du rôle exact des microorganismes du sol (mycorhizes en particulier) et l’étude des communautés d’insectes.

Influence de la structure génétique des peupleraies sauvages et cultivées et de la présence de mélèzes sur les populations de Melampsora larici-populina, agent de la rouille foliaire
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Coordinateur : Pascal Frey (INRA).

Partenaires :
CEMAGREF,
Pépinière administrative,
DSF,
IDF.

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La peupleraie cultivée, monoclonale et équienne, constitue un des écosystèmes forestiers les plus simplifiés, ce qui la rend très fragile face à des agressions biotiques et abiotiques. En effet, la plantation sur de grandes superficies d’un très faible nombre de cultivars à résistance totale vis-à-vis de la rouille foliaire à Melampsora larici-populina, a favorisé l’émergence et la dissémination très rapide de nouveaux pathotypes du parasite, capables de contourner toutes les résistances sélectionnées à ce jour.

Parallèlement à la dégradation très rapide de l’état sanitaire des peupleraies cultivées, celui des peupleraies sauvages (ripisilves à Populus nigra) vis-à-vis de la rouille semble rester stable. Les bases de cette stabilité résident vraisemblablement dans la diversité génétique des peupleraies sauvages, et dans l’influence de cette diversité sur la structuration des populations de M. larici-populina.

Nous avons ainsi analysé 54 populations d’environ 100 isolats de M. larici-populina récoltées entre 2001 et 2003, sur mélèzes en mai et sur peupliers en début (juillet) et fin (septembre) d’épidémie. Les populations ont été caractérisées à l’aide de marqueurs sélectionnés (facteurs de virulence) et de marqueurs neutres (RAPD) pour les populations de septembre 2001. Au total, 42 pathotypes ont été identifiés dans les 54 populations, à l’aide de la gamme différentielle qui comporte huit clones de peuplier. La composition en pathotypes distingue très nettement les compartiments cultivé (richesse et complexité élevées) et sauvage (richesse et complexité faibles). De plus, la structure en pathotypes reste très stable au cours des trois années d’étude pour chacun des sites. La présence de mélèze augmente de façon très significative le nombre moyen de pathotypes par population, ce qui suggère un effet de la reproduction sexuée sur la diversité en pathotypes. En revanche, la proximité du mélèze n’influe pas sur la complexité des populations.

Les trois amorces RAPD utilisées ont permis de révéler 19 marqueurs polymorphes. Une très grande diversité génétique et très peu de clonalité ont été trouvés parmi les 743 isolats des neuf populations de septembre 2001, avec 566 phénotypes RAPD différents. Les distances génétiques entre les populations sont globalement faibles et les populations apparaissent moyennement différenciées. Un test de Mantel n’a mis en évidence aucune corrélation entre la structure génétique et la structure pathotypique des populations, ni entre la structure génétique et l’origine géographique des populations. L’analyse des déséquilibres de liaison entre marqueurs RAPD n’a pas mis en évidence un effet de la présence du mélèze sur la structure des populations étudiées.

Par ailleurs, ce projet nous a permis de mieux comprendre la dynamique spatio-temporelle de l’épidémie de rouille dans la ripisylve de la Durance, qui constitue un modèle d’épidémie en corridor. En effet, nos observations suggèrent que l’épidémie annuelle de rouille débute dans les zones de sympatrie entre peupliers et mélèzes dans la haute vallée de la Durance et se propage au cours de l’été vers la basse vallée de la Durance, où les mélèzes sont absents. D’autre part, la présence de plusieurs petits compartiments cultivés enclavés dans l’énorme compartiment sauvage que constitue la ripisylve à P. nigra, nous a permis d’étudier les interactions entre les deux compartiments. Nous avons ainsi mis en évidence une « pollution » de la ripisylve par des isolats sélectionnés par des cultivars portant les résistances R2 et R7 en septembre 2002.

Enfin, l’étude du type de résistance chez P. nigra vis à vis de la rouille n’a pas mis en évidence de résistances qualitatives dans les 1529 interactions clone x isolats testées. De plus, l’analyse d’une composante de la résistance quantitative (latence) n’a mis en évidence aucune adaptation locale de M. larici-populina à son hôte P. nigra.

Projet ISLANDES : Evaluation de la méthode des îlots feuillus pour restaurer la biodiversité de l’écosystème simplifié de pin maritime des Landes de Gascogne et améliorer sa résistance aux insectes ravageurs et champignons pathogènes
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Coordinateur : Hervé Jactel (INRA).

Partenaire :
LPO Aquitaine.

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Objectifs

Pour répondre à la demande croissante de bois et de fibres, et bientôt aux besoins de stockage de carbone afin de lutter contre l’effet de serre, la surface des forêts de plantation augmente fortement dans le monde (+4% par an selon le dernier recensement de la FAO). Mais la gestion intensive à laquelle elles sont soumises se traduit par une importante réduction de leur biodiversité qui pourrait, à terme, menacer leur durabilité. En particulier, de nombreux exemples indiquent qu’elles seraient plus sensibles aux dégâts d’insectes ravageurs et de champignons pathogènes. L’une des raisons principales de cette moindre résistance serait la faible efficacité du contrôle par les ennemis naturels. La réduction de la diversité végétale, entraînant la diminution du nombre d’espèces phytophages, ne permettrait pas le maintien de populations stables de prédateurs ou parasitoïdes. Afin de remédier à ces déséquilibres, une méthode de restauration de la biodiversité pourrait être la création d’îlots d’essences forestières en mélange, constituant des habitats favorables au maintien de communautés d’espèces auxiliaires, sans bouleverser les pratiques de gestion dans les forêts de plantation. Cette stratégie pourrait notamment s’appliquer à la forêt monospécifique de Pin maritime des Landes de Gascogne, première région de France pour la production de bois mais aussi pour les traitements insecticides en forêt.
L’objectif principal du projet ISLANDES est donc l’évaluation de la méthode des îlots de biodiversité, constitués de plantations de feuillus en mélange, pour restaurer la diversité biologique de l’écosystème simplifié de Pin maritime des Landes de Gascogne et améliorer sa résistance aux insectes ravageurs et champignons pathogènes. Ses objectifs spécifiques sont :
 – de comprendre comment la diversité des essences forestières agit sur les mécanismes de résistance, en évaluant l’effet du voisinage des plantations de feuillus sur les niveaux d’infestation des peuplements de Pin maritime par ses deux plus importants insectes ravageurs primaires : la Pyrale du tronc et la Processionnaire du pin ;
 – d’analyser quels sont les facteurs-clés (structure, composition) qui déterminent l’organisation de la biodiversité des assemblages d’ennemis naturels (oiseaux et insectes prédateurs, araignées et champignons antagonistes) à l’échelle de la parcelle et du paysage environnant.

Résultats

Effet de la diversité des essences forestières sur les niveaux d’infestation par les insectes ravageurs

La méta-analyse indique que la gestion d’une essence forestière en peuplement pur accroît en général le risque de dégâts d’insectes ravageurs par rapport à une conduite en peuplement mélangé. La réduction des infestations dans les peuplements mixtes concerne aussi bien les forêts secondaires que les plantations, les peuplements d’essences indigènes que d’essences exotiques, les jeunes que les vieux peuplements. Elle est plus importante quand le mélange résulte de l’association d’essences feuillues à des conifères. Elle n’est pas significative quand le mélange est constitué par l’apport d’essences exotiques. Elle augmente avec la proportion d’essences associées dans le mélange. Les dégâts d’insectes sont ainsi inférieurs dans les peuplements mélangés, notamment pour les défoliateurs et les xylophages qui regroupent l’essentiel des ravageurs des forêts. En revanche les insectes polyphages peuvent, dans le cas où le mélange associe plusieurs essences hôtes, bénéficier de la diversité des arbres pour augmenter leur niveau de population par effet de contagion.
Trois grands mécanismes écologiques permettent d’interpréter l’amélioration de la résistance des forêts aux insectes ravageurs obtenue grâce à l’augmentation de la diversité des essences forestières :

 – la réduction de l’accessibilité des arbres hôtes par diminution de la ressource et par l’existence de barrières physiques, chimiques ou temporelles à la colonisation ;
 – l’augmentation de l’impact des ennemis naturels, favorisés par l’existence de proies de substitution, de ressources alimentaires de complément, de sites de ponte ou d’abris ;
 – la présence d’essences forestières hôtes plus sensibles permettant de faire diversion aux attaques du ravageur (dans le cas des insectes polyphages).

Dans le cas de la forêt de plantation de pin maritime, la présence d’un boisement de feuillus en mélange, qu’il soit un peuplement ancien ou une jeune plantation (10 ans), conduit à une réduction significative des dégâts de processionnaire dans les peuplements de pin maritime voisins. Cet effet correspond essentiellement à une diminution des niveaux d’infestation dans les premiers 150 m à l’intérieur du peuplement derrière sa lisière. Sur l’ensemble des peuplements observés, le nombre de nids de processionnaire sur les arbres situés derrière une haie de feuillus est toujours inférieur à celui observé sur les arbres situés en bordure non protégée. Cette réduction n’est cependant significative que lorsque la hauteur de la haie est supérieure ou égale à celle des pins situés derrière. Ces résultats indiquent que les feuillus permettraient de masquer la silhouette des pins rendant plus difficile leur colonisation par la processionnaire du pin.
La réduction du pourcentage d’arbres attaqués par la pyrale du tronc sur l’ensemble des parcelles voisines de feuillus est significative jusqu’à 400 m. Le taux de parasitisme des chenilles de la pyrale semble également plus important à proximité des bois de feuillus. Au laboratoire, la durée de vie moyenne des parasitoïdes alimentés avec du miellat de pucerons du chêne est trois fois plus longue que celle des individus alimentés avec de l’eau. Cet allongement permettrait une meilleure coïncidence phénologique entre la présence des chenilles de pyrale et celle de leur parasitoïde. Les boisements de feuillus constitueraient donc des refuges pour la faune d’ennemis naturels de la pyrale du tronc.

Organisation de la biodiversité des assemblages d’ennemis naturels

Les réponses à la structure du peuplement forestier et du paysage des différents taxa ne sont pas corrélées, mais sont au contraire distinctes et complémentaires. Cette étude multi-taxa a ainsi permis de démontrer d’une part que l’utilisation conjointe de différents groupes taxonomiques était intéressante, voire indispensable, dans les analyses des relations entre biodiversité et gestion forestière, d’autre part que tous n’avaient pas la même valeur indicatrice.
A l’échelle de la parcelle, la hauteur moyenne de la strate arborée est la meilleure variable prédictive de la richesse spécifique et de la composition des assemblages d’oiseaux, de carabiques et d’araignées. Les parcelles de feuillus âgés sont généralement plus riches que celles de pins en plantes vasculaires, champignons, oiseaux et araignées, mais pas en carabiques.
Les variables paysagères sont des facteurs secondaires importants pour les oiseaux, les carabiques et les araignées, en particulier la fragmentation du paysage (taille moyenne des parcelles, densité de lisières), l’hétérogénéité spatiale (indice de Shannon), et la distribution spatiale des îlots feuillus dans le paysage environnant.
La richesse en plantes et en araignées, la composition des assemblages d’oiseaux, de carabiques et d’araignées, et l’abondance de plusieurs espèces généralistes forestières sont en effet corrélées à la proportion de feuillus âgés dans le paysage environnant et/ou à la distance aux feuillus les plus proches. Par contre, l’abondance de la plupart des espèces spécialistes des îlots feuillus est corrélée à l’indice de forme de la parcelle (ratio périmètre/surface) plutôt qu’à la surface de feuillus aux alentours. Ceci semble indiquer que, pour ces espèces, les caractéristiques internes de l’îlot sont plus importantes que le paysage environnant, tandis que pour les généralistes c’est l’inverse. Il est probable que ces îlots qui ont toujours existé sous cette forme dans le paysage landais jouent un rôle dans le cycle biologique de beaucoup d’espèces généralistes forestières qui se dispersent ensuite à partir d’eux dans le paysage (zones de reproduction, d’hivernage ou ressource alimentaire complémentaire).
Beaucoup d’espèces de milieux ouverts s’avèrent par contre sensibles à la fragmentation de leur habitat par la pinède, tandis qu’un effet négatif de la proximité de feuillus semble exister pour un certain nombre d’espèces spécialistes des landes ouvertes. D’un point de vue biogéographique et historique, on peut émettre l’hypothèse que ces assemblages d’espèces sont un héritage du paysage ancien de landes pâturées, qui était le paysage dominant jusqu’au XIXème siècle. Ces espèces se sont adaptées aux habitats secondaires constitués par les parcelles de pins maritimes âgés de moins de 10 ans et dépendent donc actuellement du régime de perturbation constitué par la rotation des coupes rases.

L’analyse de la structure du paysage a montré que le paysage landais était organisé selon un double gradient de fragmentation et d’hétérogénéité spatiale. Les variables paysagères associées se sont avérées importantes pour la richesse et la composition spécifique en oiseaux, et dans une moindre mesure pour la composition en plantes et en araignées, tandis que l’hétérogénéité spatiale semble avoir un effet négatif sur la richesse en carabiques. Pour les plantes et les araignées, plus sensibles aux échelles stationnelles et à fort pouvoir de dispersion, c’est plutôt la présence de tel ou tel habitat, donc la composition du paysage qui joue à cette échelle. Les oiseaux et carabiques sont plus sensibles à la structure du paysage, les premiers en raison de la taille des domaines vitaux dépassant souvent la seule parcelle dans la forêt fragmentée des Landes de Gascogne, et les seconds en raison du degré de connectivité entre habitats pouvant faire obstacle à la dispersion pour les espèces forestières le plus souvent aptères.

Réponse de la biodiversité aux chablis en Brie : interaction avec le type d’exploitation et la taille des trouées
[Télécharger le rapport final

Coordinateur : Frédéric Gosselin (CEMAGREF).

Partenaires :
Chambre d’Agriculture de Seine et Marne,
ONF (Melun).

Voir colloque final

Le projet visait à suivre et à comprendre la dynamique de la biodiversité au niveau floristique et entomologique dans des peuplements forestiers de la Brie, détruits par la tempête du 26 décembre 1999. Nous avons étudié l’impact de la taille de la trouée et de l’exploitation des chablis sur la flore et les coléoptères carabiques. Il s’agit notamment de comparer une non-exploitation des chablis, leur exploitation « classique » et un procédé original d’exploitation « extensive », visant à laisser dans la trouée une partie des éléments « structurants » de l’écosystème et de la perturbation (galettes de chablis ; houppiers entiers ; une partie du bois mort au sol ; couvert buissonnant ; semenciers). Dans ce cadre, nous avons essayé de comprendre, pour la végétation et en partie pour l’entomofaune, quels sont les mécanismes qui conditionnent la survie, le développement et l’installation des espèces, parmi la lumière, la compétition racinaire et les micro-habitats associés aux différents modes d’exploitation des chablis.
A court terme, la création d’une trouée a un fort effet sur la richesse, l’abondance et la composition des communautés :
 – pour la flore, l’ouverture a un effet positif sur la plupart des espèces y compris les forestières adultes et peu d’espèces voient leur abondance baisser, ce qui indique que les communautés sont nettement de type emboîté ;
 – pour les carabes en revanche, les communautés ne sont pas emboîtées car les espèces de milieu ouvert et les forestières ont une réponse opposée à l’ouverture.
De plus, l’exploitation mécanique des trouées n’est pas préjudiciable à la biodiversité de la flore ni à celle des carabes, sauf pour le groupe des bryophytes, et pour certaines espèces. Elle n’est surtout pas défavorable au groupe des espèces forestières (flore ou carabes) ni aux carabes généralistes (ce groupe est même moins abondant/riche en trouée non exploitée qu’en témoin forestier). Quelques plantes sont plus abondantes dans les micro-habitats de type « troncs et houppiers non démembrés morts » ou « sol non perturbé près de brins debout » que dans les zones ouvertes de la trouée (les analyses au niveau espèce pour les carabes n’ont pas été réalisées).
Par ailleurs, la taille de trouée ne constitue pas un gradient très structurant pour les communautés étudiées, ou du moins il n’y a pas de réponse forte pour les groupes écologiques mais des réponses seulement au niveau espèce ; cela dit, ces conclusions sont pour l’instant provisoires pour la flore.
Enfin, pour les deux groupes, plus que la position par rapport au soleil dans la trouée, c’est bien le type de micro-habitat créé par la tempête et/ou l’exploitation (ensoleillé/à l’ombre, sol perturbée/non perturbé, près d’une galette de chablis ; sous des troncs de chablis ; dans un houppier mort ou vivant) qui conditionne fortement la réponse des communautés, même si cela n’est pas valable pour tous les groupes écologiques.
Ces résultats demandent à être confirmés par d’autres analyses. En premier lieu, nous attendons pour les carabes les analyses au niveau espèce pour vérifier qu’elles réagissent bien comme leurs groupes écologiques l’indiquent, ce qui n’était pas exactement le cas dans les analyses de 2002. Ces modèles n’ont pas été encore été testés pour des raisons de temps de calcul mais seront intégrés pour les publications à venir. Par ailleurs, il faudra confirmer ces résultats avec plus de données : les données de 2004 (pour la flore, 40 trouées dont 21 nouvelles, ce qui permettra notamment de tester les différences entre exploitation extensive et intensive) ; celles des autres années, quand le pourtour des trouées sera fait au GPS permettant de calculer leur position dans la trouée. Il nous faut intégrer les résultats des mesures d’ouverture par photos hémisphériques. Il faudra aussi répondre aux hypothèses non abordées jusqu’ici sur les mécanismes, notamment en utilisant le dispositif expérimental destiné à tester l’effet de la compétition racinaire des arbres. Par ailleurs, nos résultats sont intrinsèquement limités par la durée du projet, qui ne peut percevoir que des effets à court terme. Or, on sait que les espèces forestières ne répondent pas très rapidement à la perturbation : aussi leur indifférence à la qualité de la perturbation – que ce soit la modalité d’exploitation ou le micro-habitat lié à la perturbation, pourrait se changer à terme en une réponse plus forte.

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